Francis Poulenc, Huit chansons françaises [1945-46]

I
Margoton va-t-à l'iau avecque son cruchon,
La fontaine était creuse, elle est tombée au fond.
Par là passèrent trois jeunes et beaux garçons.
Que donn'rez-vous, la belle, qu'on vous tire du fond?
Tirez d'abord, dit-elle, après ça, nous verrons!
Quand la bell' fut tirée, commence une chanson.
Ce n'est point ça, la belle, que nous vous demandons!
C'est votre petit coeur, savoir si nous l'aurons.
Mon petit coeur, Messir's, n'est point pour greluchons!


Aïe! Aïe! Aïe! Aïe! se dit Margoton.
Aïe! Aïe! Aïe! Aïe! se dit Margoton.
Aïe! Aïe! Aïe! Aïe! se dit Margoton.
Aïe! Aïe! Aïe! Aïe! se dit Margoton.
Aïe! Aïe! Aïe! Aïe! se dit Margoton.
Aïe! Aïe! Aïe! Aïe! se dit Margoton.
Aïe! Aïe! Aïe! Aïe! se dit Margoton.
Aïe! Aïe! Aïe! Aïe! se dit Margoton.



II
La belle se sied au pied de la tour,
qui pleure et soupire et mène grand dolour.
Son père lui demande: fille qu'avez vous
voulez vous mari ou voulez vous seignour?
Je ne veuille mari, je ne veuille seignour
je veux le mien ami qui pourrit en la tour.
Par Dieu ma belle fille alors ne l'aurez vous
car il sera pendu demain au point du jour.
Père s'on le pend enfouyés moi dessous
ainsi diront les gents ce sont loyales amours.
III
Pilons l'orge pilons l'orge pilons l'orge pilons-la.
Mon père m'y maria pilons l'orge pilons-la
à un vilain m'y donna, tirez vous ci, tirez vous là.
Pilons l'orge pilons l'orge pilons l'orge pilons-la
à un vilain m'y donna pilons l'orge pilons-la
qui de rien ne me donna pilons l'orge pilons-la
mais s'il continue cela, tirez vous ci tirez vous là.
Pilons l'orge pilons l'orge pilons l'orge pilons-la
battu vraiment il sera tirez vous ci tirez vous là.
Pilons l'orge pilons l'orge pilons l'orge pilons-la.



IV
Clic clac dansez sabots et que crèvent les bombardes.
Clic clac dansez sabots et qu'éclatent les pipeaux.
   Mais comment mener la danse quand les belles n'y sont pas?
   Allons donc quérir les filles ben sûr qu'il n'en manqu'ra-pas?
   Ben l'bonjour messieux et dames donn'rez-vous la bell'que v'là?
   Les fill's c'est pour l'ménage et pour garder la maison.
   Ouais mais pour fair' mariage vous faudra ben des garçons.
   Vous n'en avez point fait d'autre vous patronne et vous patron.
   Allez donc ensemble au diable ça s'ra ben un débarras.
   Ah! Patron et vous patronne qu'on s'embrasse pour de bon.



Clic clac ...
Clic clac ...
Clic clac ...
Clic clac ...
Clic clac ...
Clic clac ...
Clic clac ...
Clic clac ...



V
C'est la petit' fille du prince qui voulait se marier.
Sus bord de Loire mariez vous la belle.
Sus bord de l'eau, sus bord de Loire joli matelot.
   Elle voit venir un' barque et quarant' galants dedans.
   Le plus jeune de quarante lui commence une chanson.
   Votre chanson que vous dites je voudrais bien la savoir.
   Si vous venez dans ma barque belle je vous l'apprendrai.
   La belle a fait cent toures en écoutant la chanson.
   Tout au bord de ses cent toures la bell' se mit à pleurer.
   Pourquoi tant pleurer ma mie quand je chante une chanson?
   C'est mon coeur qu'est plein de larmes parc'que vous l'avez gagné.
   Ne pleur' plus ton coeur la belle car je te le renderai.
   N'est pas si facile à rendre comme de l'argent prêté.




Sus bord de Loire ...
Sus bord de Loire ...
Sus bord de Loire ...
Sus bord de Loire ...
Sus bord de Loire ...
Sus bord de Loire ...
Sus bord de Loire ...
Sus bord de Loire ...
Sus bord de Loire ...
Sus bord de Loire ...



VI
   La bell' si nous étions dedans stu hautbois
   on s'y mangerions fort bien des noix.
On s'y mangerions à notre loisi
nique nac no muse.
Belle vous m'avez t'emberlifi,
t'emberlificoté par votre biauté.
   La bell' si nous étions dedans stu vivier
   on s'y mettrions des p'tits canards manger.
On s'y mettrions à notre loisi
nique nac no muse.
Belle vous m'avez t'emberlifi,
t'emberlificoté par votre biauté.

   La bell' si nous étions dedans stu fourneau
   on s'y mangerions des p'tits patés tout chauds.
On s'y mangerions à notre loisi
nique nac no muse.
Belle vous m'avez t'emberlifi,
t'emberlificoté par votre biauté.
   La bell' si nous étions dedans stu jardin
   on s'y chanterions soir et matin.
On s'y chanterions à notre loisi
nique nac no muse.
Belle vous m'avez t'emberlifi,
t'emberlificoté par votre biauté.



VII
Ah! Mon beau laboureur, beau laboreur de vigne o lire o lire la.
N'avez pas vu passer Marguerite ma mie?
Je don'rais cent écus qui dore où c'est ma mie.
Monsieur comptezles là entrez dans notre vigne.
Dessous un prunier blanc la belle est endormie.
Je la poussay trois fois sans qu'elle osat mot dire.
La quatrième fois son petit coeur soupire.
Pour qui soupirez vous Marguerite ma mie?
Je soupire pour vous et ne puis m'en dédire.
Les voisin nous ont vus et ils iront tout dire.
Laissons les gents parler et n'en faison que rire.
Quand ils auront tout dit n'auront plus rien à dire.


Beau laboureur ...
Beau laboureur ...
Beau laboureur ...
Beau laboureur ...
Beau laboureur ...
Beau laboureur ...
Beau laboureur ...
Beau laboureur ...
Beau laboureur ...
Beau laboureur ...
Beau laboureur ...



VIII
   Les tisserands sont pir' que les évêques
   tous les lundis ils s'en font une fête.
Et tip et tap et tip et tap,
est-il trop gros, est-il trop fin,
et couchés tard, levés matin,
en roulant la navette, le beau temps viendra!
   Tous les lundis ils s'en font une fête
   Et le mardi ils ont mal à la tête.
Et tip et tap et tip et tap...
   Et le mardi ils ont mal à la tête
   le mercredi ils vont charger leur pièce.
Et tip et tap et tip et tap...

   Le mercredi ils vont charger leur pièce
   et le jeudi ils vont voir leur maitresse.
Et tip et tap et tip et tap...
   Et le jeudi ils vont voir leur maitresse
   le vendredi ils travaillent sans cesse.
Et tip et tap et tip et tap...
   Le vendredi ils travaillent sans cesse
   le samedi la pièce n'est point faite.
Et tip et tap et tip et tap...
   Le samedi la pièce n'est point faite
   et le dimanche il faut de l'argent maître.
Et tip et tap et tip et tap...